Michel de Montaigne (1533-1592)

B. L. Messire MICHEL DE MONTAGNE, seigneur dudit lieu en Perigort,
Cheualier Chevalier de l'ordre du Roy, & gentilhomme ordinaire de sa cham-
bre, Maire & gouuerneur gouverneur de Bordeaux &c.

Il nasquit en son Chasteau de Montagne l'an 1533. le dernier iour jour de
Feburier Febvrier .

Il fut premierement Conseiller du Roy audit Parlement de Bor-
deaux, mais apres la mort de son frere aisné il se deffist de cest estat,
pour suyure suyvre les armes.

Il a espousé la fille de Messire Ioseph Joseph de la Chassagne, l' vn un des
plus renommez Conseillers dudit Parlement, pere de Monsieur de
Pressac, Geufroy de la Chassagne, gentilhomme ordinaire de la
chambre du Roy (comme nous auons avons dit, parlant de luy cy deuant devant en
son lieu.) Fault noter en passant, que au fueillet 124. il y a vne une faulte en
l'impression de ce liure livre , touchant le nom dudit Ioseph Joseph : car l'imprimeur
a failly, ayāt ayant mis Isaac au lieu de Ioseph Joseph : ce qui sera corrigé à la seconde
edition.

Pour reuenir revenir à parler de ce seigneur de Montagne, ie je diray librement
que les oeuures oeuvres qu'il a mises en lumiere, sont tellement suffisantes pour
tesmoigner de sa grande doctrine & iugement jugement esmerueillable esmerveillable , & en-
cores de sa diuerse diverse leçon, ou varieté d'autheurs qu'il a leuz, qu'il n'est
besoing en cecy d'en parler plus auant avant , à l'endroit de ceux qui auront
consideré la structure de ce beau liure livre , qu'il a intitulé Essaiz: lequel a
esté imprimé à Bordeaux chez Symon de Millanges l'an 1580. en deux
volumes, & depuis encores l'an 1582. par luy-mesmes, & à Roüen aussi
& autres diuers divers lieux, tant cest ouurage ouvrage a esté bien receu de tous hom-
mes de lettres. Et afin d'esclarcir le tiltre de ce liure livre , qu'il appelle Eßaiz,
& pour dire ce qu'il contient, & pour quelle raison il l'a ainsi intitulé,
i j 'en diray icy mon aduis advis en passant.

En premier lieu ce tiltre ou inscription est for modeste, car si on veut
prēdre prendre ce mot d'Essaiz, pour coup d'Essay, ou apprentissage, celà est for
humble & rabaissé, & ne resent rien de superbe, ou arrogant: & si on le
prēd prend pour Essaiz ou experiēces experiences , c'est à dire discours pour se façōner façonner sur
autruy, il sera encores biē bien pris en cette façō façon : car ce liure livre ne cōtient contient autre
chose qu' vne une ample declaratiō declaration de la vie dudit sieur de Mōtagne Montagne , & cha-
cū cun chapitre cōtient contient vne une partie d'icelle: en quoy me plaist for la respōse response
que ledit sieur fist au Roy de France Henry 3. lors qu'il luy dist que
son liure livre luy plaisoit beaucoup. Sire (respondit l'autheur) il fault donq'
necessairement que ie je plaise à vostre Maiesté Majesté , puisque mon liure livre luy
est aggreable, car il ne contient autre chose qu' vn un discours de ma vie,
& de mes actions.

I J 'ay entendu qu'il s'en trouue trouve aucuns, lesquels ne loüent pas assez di-
gnement ce liure livre d'Essaiz, & n'en font pas autant de cas comme il le
merite: mais pour donner mon iugement jugement en cecy, i j 'ose asseurer (sans
que ie je craigne que les hommes exempts de passion, ou affection par-
ticuliere, m'en puissent dementir) que ce liure livre est tres-recommanda-
ble, soit pour l'institution de toutes personnes, & pour autres choses
tres-remarquables qui sont comprises en iceluy. Et afin de dire en vn un
mot ce que i j 'en pense, ie je diray que si Plutarque est tant estimé pour ses
beaux oeuures oeuvres , que cetui-cy le doibt estre pour l' auoir avoir imité de si pres,
principalement en ses opuscules: Et si Plutarque a esté estimé seul en-
tre les sçauants sçavants , duquel les oeuures oeuvres deussent demeurer (s'il arriuoit arrivoit que
la perte se fist de tous les autres autheurs) ie je dy que celuy qui l'a suyuy suyvy
& imité de plus pres, doibt estre le plus recommandable apres luy, tout
de mesmes que celuy estoit estimé le plus excellent peintre qui pein-
doit le mieux apres Apelles. Mais c'est peult estre trop s'arrester sur vn un
article, il faut venir aux autres escrits dudit sieur de Montagne.

Il a traduit de Latin en François, les dialogues de la nature de l'hom-
me, escrits par Raymond Sebon ou Sebeïde, de nation Espagnole,
homme estimé le plus profond Theologien, & des plus grands Philo-
sophes de son temps, lequel florissoit à Tholose il y a deux cens ans
ou enuiron environ , & y exerçoit la medecine.

Ledit sieur de Montagne a traduit le liure livre susdit, par le commande-
ment de son pere, lequel le faisoit expressément, tant pour l'instruire
en la crainte de Dieu, que pour le façonner de plus en plus à apprendre
les bonnes lettres, & à s'exercer aux langues.

Ces dialogues ont esté imprimez à Paris chez Gabriel Buon l'an
1569. & chez Gilles Gourbin audit an.

Ce liure livre susdit s'intitule autrement, la Theologie naturelle de Ray-
mond Sebon, docteur excellent entre les modernes.

Il a escrit vn un discours sur la mort d'Estienne de la Boëtie, Conseiller
du Roy à Bordeaux (son plus grand & plus fidel amy) &c. lequel liure livre
a esté imprimé à Paris par Federic Morel l'an 1572. auec avec la Mesnagerie
de Xenophon, & autres traductions faites par ledit de la Boëtie (com-
me nous auons avons ja recité cy deuant devant parlant dudit autheur.

Il florist à Bordeaux cette annee 1584. âgé de cinquante ans, &
continue à profiter à la republique en toutes sortes & façons tres-
loüables. Il y a vn un autre de ce nom de Montagne President à Montpellier, du-
quel nous ferons mention autre-part.