PHILIPPES DES PORTES



[La Croix du Maine, page 379]
B. L. PHILIPPES DES PORTES natif de la ville de Chartres en Beaulse,
Abbé des Abbayes de Josaphat & de Tyron, au diocese de Chartres,
Chanoine de la Saincte Chappelle à Paris, &c.

Ledit sieur Des-Portes, s'est en ses jeunes ans addonné à la poësie
Françoise, laquelle estoit comme nee avec luy, & s'est tellement fait
renommer pour ses elegantes & agreables compositions , qu'il a empor-
té le pris par sur tous ceux de son temps, en ce genre d'escrire: soit pour
la douceur de son stil & façon de composer tres-agreable à tous, ou pour
avoir sçeu imiter tant heureusement les plus renommez Poëtes Grecs
& Latins, & encores les modernes, Italiens, & d'autre nation, que tous
d' une voix luy ont donné la gloire, par dessus les autres: ou pour le moins
les seconds rangs, apres ceux qui estoient les plus estimez. L'on a recueil-
ly un juste volume de tous ses poëmes François, lequel a esté imprimé
à Paris chez Mamert Patisson & autres, par plus de vingt diverses fois,
tant ses oeuvres ont esté bien receües de toutes sortes d'hommes, & sur
toutes choses caressez & cheriz par les Roys de France ses maistres,
Charles 9. & Henry 3. qui l'ont tant aymé qu'il n'a jamais esté esconduit
ou refusé de quelque chose qu'il leur ait demandee, tant il leur a sçeu
plaire, par ses façons & actions loüables. Mais à fin de dire librement,
ce que j 'ay cogneu en ce seigneur Philippes des Portes, je ne craindray
point à discourir en bref de la profession qu'il fait maintenant, toute
differente de sa premiere estude ou vacation. Car voyant qu'il posse-
doit des biens en l'Eglise, il a voulu s'addonner du tout à la Saincte
Theologie, pour s'aquiter de sa charge, envers Dieu & les hommes,
& pour empeshcer que ceux qui seroient jaloux de son bon-heur, ne
missent en avant , que celà luy fust mal seant, de posseder des benefices.
Donq pour ce faire il a tellement embrassé (depuis quelques annees)
la Theologie, & sainctes lettres, qu'il est aujourdhuy estimé l' un des
plus promeuz en ceste faculté, qu'autre qui s'y soit adonné depuis long
temps ença: ce que je croy tant par experience, que par le fidele rap-
port de ceux qui me l'ont confirmé, comme sçavants & experts en celà,
& en devisant sans flaterie. Davantage il a tellement en recommanda-
tion les lettres Grecques, &la philosophie, que pour en communiquer
& aprendre des plus sçavants , il a d'ordinaire en sa maison, des plus do-
ctes hommes de ce siecle: & si quelques- uns pensent que cecy soit dit,
par trop à son avantage , je les prie d'attendre d'en juger lors qu'ils en
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auront aussi bonne cognoissance, comme j 'en peux avoir , encores que
je n'aye pas eu cet heur, de l' avoir frequenté aussi souvent , & avec telle
familiarité, comme je l'eusse bien desiré souventefois . Je ne pense pas
avoir escrit cecy, sans qu'il s'en trouve quelques- uns qui ayent opinion
de moy, que je le face par transport d'amitié, ou pour esperer sa faveur ,
mais je prie ceux qui auront cette opinion de moy, de croire qu'en tout
cet oeuvre , je n'ay donné loüange à aucun, qui ne soit veritable, & que
s'il estoit autrement, celà tomberoit sur moy, & seroit du tout à ma con -
fusion: car je le feroy par ignorance, ou par moquerie, ou bien par une
trop grande amitié, en leur endroit, qui sont trois vices lesquels j 'ay
fuiz entre tous autres ordinaires aux escrivains d'histoires. Et diray bien
qu'en cecy j 'ay imité la devise , attribuee à monsieur de Langey, Messire
Guillaume du Bellay qui estoit telle, Amy de tous & de nul l'ennemy.

Pour revenir à parler dudit sieur des Portes, il a escrit en prose plu-
sieurs tresdoctes, & bien sainctes prieres à Dieu, lesquelles ne sont en-
cores imprimees, non plus que ses autres oeuvres en Theologie, soit
touchant la Trinité & autres beaux subjects , pris des Saincts docteurs
de l'Eglise.

Il florist à Paris, cette annee 1584. âgé d' environ quarante ans, & ne
cesse de faire toutes sortes d'amis, & principalement à l'endroit des
hommes de lettres, à fin de ne degenerer du naturel qu'il a dés ses plus
tendres ans.