NICOLAS FLAMEL



[La Croix du Maine, page 343]
NICOLAS FLAMEL, natif de Pontoise, à sept lieuës de Paris, ancien
Poëte, François, escrivain ou maistre d'escriture, peintre & Philosophe,
Mathematicien & Architecte, & sur tout grand Alchimiste (comme
l'asseurent aucuns.)

Il a escrit un sommaire Philosophique, contenant plusieurs secrets
de l'Alchimie ou pierre Philosophale, imprimé à Paris avec les trois
traictez de la transformation metallique, chez Guillaume Guillard
l'an 1561. avec les prefaces de Jaques Gohorry Parisien, lequel a discou-
ru amplement dudit Flamel, comme aussi ont fait plusieurs Philoso-
phes de nostre temps, desquels la plus grande partie croyent (ou pour
le moins ils s' estudient de le persuader aux autres) que ledit Flamel avoit
ce don, de sçavoir faire la pierre Philosophale, & qu'il ne se pouvoit
faire autrement, veu les fondations, les superbes edifices, & autres cho-
ses de remarque qu'il a faites en son temps. Car quelques- uns ont lais-
sé par escrit, qu'il estoit riche de plus de quinze cent mille escus, outre
les aumosnes, dotations, & autres dons immenses qu'il fist, tant au Ce-
metiere des Innocents à Paris, à saincte Geneviefve des Ardents, & à
S. Jaques de la Boucherie (auquel lieu il est à demy de relief, avec son
escritoire au costé, & le chaperon sur l'espaule.) Mais afin de dire ce que
plusieurs anciens maintiennent, & asseurent estre veritable, touchant
les grands biens & richesses dudit Flamel, & ce qui le rendit si renom-
mé pour ses facultez: ce fut qu'il eut la despouïlle des plus riches Juifs
qui furent chassez de Paris en son temps, avec lesquels (encores qu'il
fust Chrestien) il avoit intelligence , & succeda à leurs biens pour la plus
grande partie, car il avoit cognoissance de ceux qui estoient redevables
ausdits Juifs , lesquels il eust accusez au Roy, ou bien à ceux qui en
avoyent la confiscation: mais il se contentoit de partager avec les cre-
diteurs, & redevables aux Juifs , sans les decouvrir ou encuser. Et pour
que lon n'eust cognoissance de celà, il feignit avoir trouvé la pierre
Philosophale: & de peur que lon ne fist trop diligente information de
ces choses, il s'adonnoit à bastir & fonder des Eglises, afin que l'inimi-
tié que on luy eust peu porter, cessast en son en droict: qui estoit un bon
moyen de se sauver , & principalement entre les Parisiens, qui sont tant
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addonnez à la devotion . Voylà ce que j 'en ay peu apprendre, mesme-
ment de ceux qui ont fait la plus grande profession de cette Philoso-
phie, & entre-autres de Monsieur de Spay, gentilhomme du Maine,
nommé Pierre Hoyau, homme de bien, & lequel n'a jamais abusé ou
trompé aucun en cet art, se contentant de son estude particuliere en
cette science, & autres curiositez esmerveillables , touchant les choses
naturelles.

Pour revenir à parler dudit Flamel, il est autheur du livre intitulé la
trans-formation des metaux (selon que plusieurs en ont opinion.) Ce
livre se voit escrit à la main en plusieurs Bibliotheques, & entre-autres
en celle de Monsieur de la Richardiere, demeurant en la maison de
Monsieur de Clermont &c. lequel se commence ainsi.

Je te veux premierement monstrer la nature de tous metaux &c.

Ledit Nicolas Flamel florissoit en l'an de salut 1393. & l'an 1409. Il
est enterré au Cemetiere des Innocents à Paris, avec sa femme nom-
mee Perronnelle: auquel lieu-se voit un tableau peint en huille, remply
de plusieurs figures, qui servent comme d'Enigmes, pour vouloir
monstrer la cognoissance qu'il avoit de la pierre Philosophale &c.

Celuy qui a escrit la preface aux lecteurs, imprimee au devant du li-
ure de Roch le Bailly, sieur de la Riviere , medecin en Bretagne, intitulé
le Demosterion &c. fait ample mention dudit Flamel, ensemble Ja -
ques Gohorry, & Gilles Corrozet.