JEAN AURAT OU D' AURAT DIT AURATUS



[La Croix du Maine, page 201]
B. L. JEAN AURAT OU D' AURAT DIT AURATUS , Poëte du Roy,
Grec, Latin & François, issu de l'ancienne famille des Dinemandy, &
Bremondais, tant renommez à Limoges &c. autresfois Lecteur du
Roy à Paris, en la langue Grecque, de laquelle charge il s'est demis,
pour en pourvoir son gendre M. Nicolas Goulu, dit Gulonius, hom-
me for celebre, & duquel nous ferons mention autre part.

La ville de Lymoges se doibt reputer bien heureuse, d' avoir produit
en nostre temps (sans faire mention des siecles passez) deux tant re-
nommez, & si excellents hommes, que cetui-cy & Marc Antoine de
Muret, citoyen de Rome, son contemporain: Car c'est une chose tou-
te asseuree, & desja assez recogneuë, par un si grand nombre d'hom-
mes, qui l'ont mis par escrit, que peu d'hommes se peuvent vanter d'estre
doctes en la langue Grecque, & entendre bien les anciens Poëtes Grecs
& Latins, sans avoir esté disciples ou auditeurs dudit sieur d'Aurat: &
ceux-là seroyent reputez par trop ingrats, qui ne l' advoueroyent : veu
que les plus sçavants de l'Europe, s'estiment bien heureux de confesser,
d' avoir eu un tel maistre, duquel ont tant fait d'estat & font encores les
Rois de France & tous les grands seigneurs, & autres.

Il a escrit plusieurs Poëmes tres-doctes, tant en Grec & Latin, qu'en
François, desquels il s'en voit quelques- uns imprimez, mais non pas re-
duits ou assemblez en un volume, comme il espere faire, & les publier
en bref, pour le contentement de tous amateurs des Muses.

Il florist à Paris cette annee 1584. âgé de soixante & sept ans, & non
plus, (comme pourroyent penser aucuns) car il nasquit l'an 1517. & ce
qui fait croire à plusieurs qu'il ayt quatre vingt ans ou davantage encor,
c'est qu'ils mesurent l'âge de ses disciples au sien, ou bien le temps de-
puis que son nom est en vogue, & qu'il a fait lectures publiques: mais
ils ne regardent pas qu'il estoit for jeune d'ans, quand il commença à
paroistre. Il fait encores tous les jours leçons ordinaires de sa profession
à Paris, tant il aime à profiter au public, & faire des disciples, qui tesmoi-
gneront de sa science, par les doctes leçons qu'il leur fait: Ce que plu-
sieurs tant estrangers que François, ont ja tesmoigné par escrits publics,
n'ayans voulu demeurer ingrats, ou craintifs d' advoüer ce qu'ils avoyent
apris de luy.